Page:Montpetit -Le Front contre la vitre, 1936.djvu/168

Cette page a été validée par deux contributeurs.
168
LE FRONT CONTRE LA VITRE

« Oui, mais là-bas, par-delà l’Océan, c’est le séminaire ensoleillé, les bons maîtres, les condisciples. Une route s’offre à lui : la vie paisible dans la campagne, le village assoupi dans la ceinture verte de ses vignes, la garrigue odorante où les troupeaux s’en vont, tintillants de clochettes, la ligne bleue de la mer et les voiles blanches à l’horizon.

« Des ouailles paisibles, une église coquette, une cure ombreuse, le bréviaire est là, à l’abri de la treille, des abeilles font une ronde autour des grappes, un grillon chante dans l’herbe drue, la bonne herbe parfumée où les bêtes à bon Dieu processionnent. Le vin est frais, la chère savoureuse, les cuivres mettent des lueurs dans la cuisine voûtée où la servante s’active.

— « Pourquoi me tentez-vous Seigneur ?

« La porte s’ouvre sous un coup plus violent, la bourrasque entre qui chasse la vision. La réalité est là qui s’impose… »

Le missionnaire renie jusqu’à cette tentation. Il aime, il chante le Nord. Le Père Laity, rendu en France pour assister à une réunion de son Ordre, s’ennuie d’attendre et obtient de retourner vers sa solitude d’amour et de foi. Mgr Joussard, de passage à Québec vers l’Europe, renonce au départ et rentre au Fort Vermillon « bûcher le bois de chauffage de l’hiver ». Le Père Séguin, passé en France à la fin de sa vie, est « en exil loin de son chez nous ». Son chez nous, regardez la carte, c’est là-bas à Good-Hope, sur le Mackenzie, là où il n’y a plus rien, que des âmes.