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LE FRONT CONTRE LA VITRE

Il abhorre tous les empiètements de la contrainte et, puisqu’il doit se soumettre à une règle, il nourrit au moins l’illusion de la choisir, de se la donner librement. Il s’isole par tempérament et ne s’adonne à la collaboration que s’il la reconnaît conforme à sa raison. Voici un passage de Madariaga, qu’il ne faut pas prendre à la lettre parce que la situation qu’il décrit trouve ses correctifs dans l’intelligence française, mais qui vaut la peine d’être retenu ne fût-ce qu’un moment, comme une de ces vérités, qui sont la féconde amertume d’une méditation : « Le génie d’organisation spontanée est dû à ce que l’Anglais individuel, orienté vers l’action, sacrifie d’un cœur léger au succès de la vie collective (c’est-à-dire à la coopération) toute autre tendance personnelle. Le Français ne peut en faire autant. Intellectuel, il doit à sa pensée une fidélité absolue. Il ne saurait donc la sacrifier à la coopération. Même s’il voulait faire un effort, cela lui serait impossible sans se contredire, car, rappelons-le, le Français règle sa conduite sur ses opinions. Cette opinion que vous lui demandez de sacrifier au succès de la coopération est précisément l’opinion qu’il croit indispensable à ce même succès. On ne saurait donc lui faire un reproche de son honnêteté intellectuelle et morale, ici coïncidentes. Il n’en résulte pas moins que la collectivité française, riche en opinions précisément parce que formée d’intellectuels, n’aboutit que fort difficilement à la coordination des efforts et des volontés vers un but commun, par des méthodes communes. »

Les Français seraient donc divisés contre eux-