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LE FRONT CONTRE LA VITRE

a donc décidé de se comprimer sous une règle commune qui fait son unité. Elle s’est soumise à ce qu’elle désire le plus, l’ordre, c’est-à-dire à un plan qu’elle a accepté de réaliser et qui est le déroulement de sa pensée. L’ordre se traduit par le droit et se maintient grâce à des règlements. Le « mécanisme » qui en résulte, par opposition à l’« organisme » anglais, le Français en remet la conduite à l’État, autorité abstraite, et à l’administration, rouage compliqué. Encore l’intervention de l’État par la loi et les règlements est-elle réduite, sauf en temps de crise, à ce qu’il en faut pour que la société fonctionne. Le Français garde sa méfiance innée envers ce qui pourrait atteindre ou gêner l’être libre qu’il sent en lui et qu’il entend protéger. « Tout ce qui dans l’homme ne concerne pas le citoyen ne regarde pas l’État. » La vie française se partage en deux domaines : la vie juridique, nécessaire au maintien du groupe, sorte d’étai artificiel ; la vie intérieure qui a tendance à se dérober sous un farouche isolement. « Tolérance morale » au sein d’un régime d’ordre imposé ; « intolérance politique », résultat des réactions individuelles contre les empiètements de l’autorité.

Il n’est question jusqu’ici que de contrainte, de jugulation subie avec mauvaise humeur. N’y a-t-il donc pas trace, en France, « d’organisation spontanée » ?

Le premier « critère collectif » qui agglomère les volontés, c’est le goût et « sa discipline, la mode », source de la mesure qui caractérise le Français moyen. Il s’établit ainsi une sorte de self-consciousness, une