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LE FRONT CONTRE LA VITRE

vincial conserve, dans l’étau de la procédure anglaise, quelques-uns des traits qui lui viendraient de ses origines, par-delà la Révolution : « Les députés croient à ce qu’ils pensent, — en fait, penser est la seule façon de croire en France… En France, le débat est une bataille et les arguments sont chargés. Chaque paire d’yeux regarde en face comme deux canons d’une mitrailleuse lançant à toute vitesse des idées meurtrières à l’ennemi. Arguments, insinuations, accusations, insultes, traversent l’air comme des projectiles. Le Président fait de son mieux pour se maintenir en dehors de la zone de feu, par crainte qu’un projectile n’atteigne sa personne en détruisant d’un coup et sa neutralité et sa dignité. Personne ne sait comment la bataille finira, et lorsque, au petit matin, l’armée battue se retire, les huissiers passent de banc en banc en réveillant les morts et les blessés qui se sont endormis dans les tranchées. »

C’est une charge, lourde même de style, et qui n’est pas dans le ton de l’auteur. Il est sûr toutefois que le Français, qui domine d’ordinaire ses passions parce qu’il a « le sens de la verticale intellectuelle », se livre avec beaucoup moins de réserve aux discussions d’idées, surtout lorsque le régime ou des principes essentiels sont en jeu. N’exagérons rien pourtant. La même disposition d’esprit inspirait, chez les Grecs et, chose assez bizarre, chez les Iroquois, les harangues qui précédaient les batailles rangées. De l’éloquence et du bruit pour l’électeur, cela se rencontre dans d’autres pays, même dans ceux qui se disent latins, à quoi l’on joint, en France, l’espoir