Page:Montpetit -Le Front contre la vitre, 1936.djvu/144

Cette page a été validée par deux contributeurs.
144
LE FRONT CONTRE LA VITRE

vant les faits dont nous négligeons peut-être l’importance et le poids. Le Français, au lieu de s’abandonner à la « loi des choses », éprouverait de la méfiance à l’égard de la nature parce qu’elle ne répond pas toujours aux élans, pourtant mesurés, de sa raison.

Tot capita, tot sensus est un aphorisme décidément latin. N’étant pas entraîné par l’action, le Français reste maître de ses gestes et entend se conduire par l’esprit. Il est donc individualiste, ce qui fait sa valeur et sa faiblesse. Le Français qui analyse le caractère de ses compatriotes ne manque pas de le dire d’abord, comme s’il enfonçait le premier pilot de la société qu’il érige ; ainsi Lucien Romier, dans l’Homme nouveau, André Siegfried dans les Partis politiques en France ; et Madariaga à côté d’eux, qui écrit : « Le Français, quoique peut-être moins varié et moins individualisé que l’Anglais, est cependant beaucoup plus individualiste dans ses besoins. Son plaisir doit être à lui. Moins intimement lié à la collectivité que l’Anglais, il ne possède pas cette merveilleuse faculté de jouir par procuration qui distingue l’Anglais pur sang. Lorsque le Duc de Devonshire marie sa fille, tous les vrais Anglais se sentent heureux. Lorsque le Duc de Richmond court ses chiens, tous les vrais Anglais sonnent du cor. Mais le Français s’en tient à son poète : « Mon verre n’est pas grand, mais je bois dans mon verre », et, à moins qu’il ne boive lui-même, il ne se lèche pas les lèvres. »

L’individualisme nourri de pensée du Français est la source claire et continue de son initiative, de sa