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ANGLAIS — FRANÇAIS

événements. L’homme d’action ne peut être fataliste. L’architecte doit penser à l’avenir de la maison qu’il construira ; un ouvrier, à s’assurer pour la vieillesse ; un député, aux effets du budget qu’il va voter. Mais le choix fait, les mesures prises, il faut s’accorder quelque paix de l’esprit. Là où les éléments de prévision manquent ou dépassent l’esprit humain, prévoyance devient folie. « Les philosophies vastes et superficielles, les énormes synthèses de balivernes parlent toutes de siècles et d’évolutions. Les vraies philosophies s’inquiètent de l’instant. » La citation de la fin, qui corrige la pensée initiale, est précisément d’un Anglais, de Chesterton !

Le Français est épris d’ordre, d’abord. Il en met partout, en ce sens qu’il en projette partout. Pour lui, l’action doit produire de l’ordre, car l’ordre est pensée. Aussi excelle-t-il avant et après l’action : avant, parce qu’il prépare sa volonté dans de savantes combinaisons ; après, parce qu’il exerce sur ses actes son merveilleux sens critique. Et pendant ? Madariaga répond que le Français, pendant l’action, est en quelque sorte désemparé sous le choc de la réalité. Les complications de la nature heurtent ses plans et les détruisent ; et son esprit, qui réclame le temps de la réflexion, se sent mal à l’aise devant l’afflux contradictoire de la vie. Alors que l’Anglais va à l’action et se laisse emporter par elle, le Français, plus intellectuel, « se rue vers l’action comme vers une possession » et résiste à la non rationalité des choses. Il y a du vrai ; mais ce jugement me paraît tranché. Retenons-le tout de même, car il peut orienter notre conduite et modifier notre attitude de-