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LE FRONT CONTRE LA VITRE

le plus petit, le plus courant, celui que tu n’as pas préparé, qui sort de ta vie ordinaire où la mienne te retrouve dans une communion qui me pénètre. J’étais perplexe. Tu me délivres. Nos courants s’adaptent dans un autre champ que celui de l’électricité.

Vent d’ouest, assez violent. Aucun des miens au départ, parmi la grappe humaine qui s’étage sur les quais, ainsi que l’a vue Blasco Ibanez et tous les voyageurs comme lui. Aucun des miens. Je regarde la joie ou l’attendrissement des autres. J’imagine le sourire un peu rentré de nos deux enfants et je serre de nouveau la main des amis. Je salue la terre où ils vivent.

La mer. La vague se creuse. On a placé des câbles qui nous font l’effet d’un examen de conscience. Le ciel est pur au-dessus des flots agités. Au nord, des nuages rosés se gonflent vers le soleil. Ils ont reculé jusqu’à l’horizon et semblent des pics immobiles, qui regardent l’immensité. Nous passons, infimes. L’orchestre joue. Une valse m’atteint dans le couloir où j’écris. Un bruit de verres annonce l’ouverture du bar, longtemps après que nous avons dépassé la statue de la Liberté.

La vie des transatlantiques : bains d’eau salée, marches forcées, alimentation soutenue. La conversation offre ses hasards. Le commandant, qui a le sourire de toutes les expériences et de délectables recettes de coquetels, apaise nos nervosités d’un proverbe marin : « Vent arrière fait la mer belle » ; et nous nous mettons d’accord sur le principe d’une