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CLIMAT DE CULTURE

s’ordonnent vers un idéal ; l’agriculture et la « petite ferme », gestes renouvelés au rythme des anciens ; l’art, langage plus éclatant que celui qui passe sur nos lèvres parce qu’il s’exprime au grand jour dans la perpétuité de la forme ; la prière qui, depuis le passé, nous porte jusqu’à Dieu. La refrancisation est au prix de ces découvertes. En vain changera-t-on les enseignes : si l’on n’a pas changé les esprits et les cœurs, on n’aura rien fait. Refranciser, c’est renaître à la civilisation française et en retrouver les traits profonds : c’est parler, bâtir, vivre, manger à la canadienne, c’est-à-dire à la française. Il ne s’agit pas de copier qui que ce soit, mais de nous refaire la tête, le goût et l’estomac, à moins, comme le craint Olivar Asselin, qu’il ne soit trop tard. Eh oui ! même l’estomac, qui se délabre au poids des sorbets de frigidaire et des sandwichs congelés, des légumes à l’eau et de l’ineffable parodie des French Pastries. « La civilisation française est universelle, écrit l’Allemand Curtius, en ce sens qu’elle embrasse à la fois les formes les plus diverses de l’existence humaine. Elle continue l’idéal de culture antique. Elle en a l’envergure, qui s’étend des normes matérielles aux normes spirituelles, de la technique à la morale. On peut dire qu’en France la civilisation commence avec l’art culinaire. La gastronomie en fait partie. La mode aussi. La politesse également. Bref, toutes les manifestations de la vie empruntent un rayon à son auréole. Et ces manifestations ne sont pas seulement le privilège des classes cultivées, elles sont accessibles à tous, chacun peut y prendre part, fût-ce de la façon la plus modeste. »