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LE FRONT CONTRE LA VITRE

le manuel, dont les définitions semblent planer sur un monde inexistant. Si l’on n’a pas « d’accidents géographiques sous les yeux », on en provoquera, ou on utilisera l’aventure : une pluie, une mare, feront les rivières, les lacs, les îles et les côtes. Du milieu immédiat, on passera à la province, puis au pays, puis au monde extérieur. Le beau voyage !




On s’étonne du patriotisme des Français : fondé sur l’« environnement », il s’éveille aux choses et aux traditions ; il s’y attache. Il obéit à la logique, sans doute, mais aussi au sentiment. Il faut alimenter nos résistances et les fortifier d’un élan raisonné. Que la terre soit notre premier livre, pour y suivre le travail du peuple, lui donner un sens. Elle a subi une empreinte qu’il faut reconnaître et expliquer. Voilà la difficulté à laquelle se heurtent l’insuffisance de notre culture et notre manque d’imagination.

Quam magni fueris intacta, fracta doces. La France a laissé sur le chantier de colonisation que fut pour elle le Canada des œuvres où son esprit se reflète encore ; comme, morcelée, Rome révèle sa plénitude par les ruines que le poète dresse dans le temps. Nous ne ferons rien que d’hybride tant que nous n’aurons pas adapté l’héritage français à notre domaine canadien ; tant que nous n’aurons pas compris ce qu’est la civilisation française et que nous ne l’aurons pas pliée à nos exigences.