Page:Montolieu - Caroline de Lichtfield, tome 3, 1815.djvu/202

Cette page a été validée par deux contributeurs.
192
caroline

bonheur, lorsqu’il m’étoit offert. Quoi ! j’avois été aimé de cette adorable personne, dont chaque trait se gravoit dans mon âme ; il n’avoit tenu qu’à moi, qu’à moi seul de m’unir à elle. Mais l’avois-je mérité ce bien dont je connoissois trop tard tout le prix ? N’a-t-elle pas dû l’oublier cet homme qui n’a payé ses sentimens que de la plus noire ingratitude, qui l’a négligée, abandonnée ; qui, livré tout entier à une autre passion, a repoussé durement le cœur qui se donnoit à lui, et l’a forcé de chercher un autre objet d’attachement ?

Ces idées qui se succédoient dans mon imagination comme des éclairs, me donnoient un air sombre et préoccupé, dont Manteul dut être surpris ; mais le sujet de la conversation l’intéressoit trop pour qu’il s’aperçût de rien. Il auroit voulu me parler plus long-temps de sa chère Matilde et de ses espérances ; mais il ne m’étoit plus possible de l’entendre de sang froid. Je