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mieux que l’ingrat Lindorf, le cœur et la main de Matilde. Quant à Lindorf lui-même, le comte tâchoit d’écarter son souvenir. Mais il y réussissoit foiblement ; et même à côté de sa chère Caroline, même au comble du bonheur, un profond soupir s’échappoit quelquefois de son cœur oppressé, en pensant que ce bonheur étoit aux dépens de son ami ; que Lindorf étoit malheureux ; qu’il le seroit toujours ; qu’il ne le faisoit revenir dans sa patrie que pour le rendre témoin de la félicité de son rival, et ranimer peut-être dans le cœur de la pauvre Matilde des sentimens que l’absence seule de leur objet pouvoit éteindre.

Occupé de ces tristes pensées, et du soin de les cacher à Caroline, à qui ses douces illusions faisoient tant de plaisir, qu’il ne pouvoit se résoudre à les lui ôter à l’avance, ils ne s’apercevoient, ni l’un ni l’autre, que l’impatience d’arriver les faisoit voyager avec une rapidité dont la jeune comtesse se ressentit