tant de tourmens se joignoit encore celui d’avoir à raconter son histoire à la chanoinesse, à lui apprendre qu’on vouloit la séparer d’elle. Aussi souvent qu’elle voulut l’essayer, la parole expira sur ses lèvres.
Jamais elle ne put prendre sur elle d’affliger à cet excès cette sensible et malheureuse amie, d’exciter à la fois et sa colère et sa douleur, en lui apprenant le mystère qu’on lui faisoit depuis si long-temps, les malheurs de son élève chérie, leur séparation prochaine, et peut-être par la mort ; car c’étoit bien le projet de Caroline, si on la forçoit à quitter Rindaw, à se séparer de son unique amie. Depuis la perte de sa vue, la compagnie de sa chère Caroline étoit sa seule consolation. Elle disoit souvent que le moment où elle en seroit privée seroit celui de sa mort ; et l’idée d’être obligée de la quitter étoit peut-être encore ce qui désespéroit le plus la sensible Caroline. Elle ne put donc se résoudre à lui plonger le poignard