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xv
au public.

Dit quelque part que c’est un grand malheur[1] ;
Mais si ce nom vous faisoit tant de peur,
Eh, mon ami ! qui vous forçoit d’écrire ?
J’aime bien mieux ici, mon cher lecteur,
À mon destin tout bonnement souscrire ;
Car, après tout, un auteur a beau dire,
On n’est plus dupe, et l’on sait aujourd’hui
Qu’au fond du cœur le plus sage désire
Que dans le monde on parle un peu de lui.
Mais, dira-t-on, la mode, le caprice
Ont au public extorqué maint arrêt
Dont nos neveux un jour feront justice.
Je le veux bien ; mais le dépit secret,
Mais l’amour-propre ont-ils moins d’intérêt
À l’accuser d’erreur ou de malice ?
Moi, je te juge avec plus d’équité,
Mon cher public, et, tout bas, je suppose
Qu’en ma faveur mon sexe t’en impose,
Et me soustrait à ta sévérité.
Ton indulgence est-elle méritée ?
Je n’en sais rien, mais je veux en jouir.
D’un peu d’encens on peut être flattée,
Et son parfum nous fait toujours plaisir.
Dans ses ennuis, qu’un auteur misanthrope,
Qui de son siècle essuya les dédains,
Mette sa gloire au bout d’un télescope,
Dans les brouillards et les siècles lointains ;
Ah ! laissons-lui cette flatteuse idée !
Moi, sans viser à tant de renommée,

  1. Épître à sa Muse, vol. 2