IX
Non, le rêve est et sera toujours dépassé par la
réalité, dans les liaisons bizarres de notre temps.
La réalité a son fanatisme qui la pousse, alors qu’on
la croit parquée dans un endroit incapable de nous
susciter de nouveaux délires ; quand tout est fini, il
lui reste encore quelque chose à nous faire connaître.
Cependant, la femme que nous avons possédée, et
que nous retrouvons en deuil après une rupture, n’offre
plus à nos désirs l’apaisement enivrant. Grande,
mince, triste, vêtue d’une robe sombre, ce noir subit
demeure pourtant encore une des pourpres de l’amour,
car c’est en quelque sorte comme la fumée
de l’incendie voluptueux qui nous a dévoré la vie. —
Dans ces moments-là on se parle, on se questionne,
on se répond rien qu’en se regardant. Les pensées
sont stagnantes comme dans un bain de phrases
douces ; le déchirement de l’être s’accomplit peu à
peu. Cet état n’est pas dénué de jouissance, l’abattement
qui succède à la crise permet un jour ou deux
de s’entretenir avant d’ensabler l’affection.