Page:Montifaud - Les Romantiques, 1878.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ainsi la critique, dans un des feuilletons de la Presse de 1849, dessinait la vivante esquisse de Marie Dorval ; esquisse où toutes les impressions que faisait naître sa présence à la scène reviennent en foule. L’ovale du visage amaigri se modelait dans la demi-teinte frappée sur les joues par deux bandeaux plats et lisses qui descendaient très-bas. Les lèvres s’abaissaient facilement aux coins, sous le pli de la souffrance, lorsqu’il s’agissait d’exprimer Marie-Jeanne, la pauvre femme du peuple, meurtrie et vaincue. Le dessin allongé des paupières accentuait encore le jeu de remuante tristesse qu’elle rendait chaque fois d’une façon plus inédite, comme si l’on n’avait point interprété la résignation avant elle. Dans cette poitrine grondaient les sanglots de l’amour fort et vrai, quand, remplissant le rôle de Marion, Dorval se traînait aux genoux de Didier, à la fameuse scène du pardon. « Ce n’était pas une figure, c’était une physionomie, une âme, » écrivait d’elle Georges Sand, qui, a ce qu’il paraît, a vécu si longtemps en son intimité, « elle était mince, et sa taille, un souple roseau, qui semblait toujours balancé par quelque souffle mysté-