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J’ai dit que l’eau, ayant déjà fait un voyage dans l’Inde, était mauvaise, d’une couleur jaunâtre ; le goût en était désagréable. Le soir, nous pressions un citron dans un verre de cette horrible eau ; c’était pour nous un breuvage délicieux. L’amiral avait fait embarquer aussi, à Madère, de la véritable malvoisie. Ce vin est parfait. Comme on n’en servait pas tous les jours, pendant la traversée, nous prétendions que l’amiral ne nous en donnait que quand nous étions bien sages. Il y avait heureusement, pour remplacer l’eau, de la bière et très bonne. À cette époque, je ne pouvais en boire ; on peut donc juger ce que fut pour moi la privation de bonne eau. J’en fus fort malade à la fin du voyage. Cette eau si mauvaise, nous n’en avions pas encore autant que nous aurions désiré, ce qui est tout simple en mer. On en délivrait à chaque personne deux gallons par jour, et l’amiral avait l’attention d’en donner davantage pour le service de Mme Bertrand et pour le mien ; il en faisait même ajouter suivant nos demandes, l’eau de mer ne pouvant servir pour le lavage du linge. Avec des enfants, on peut juger de ce qu’était pour nous la galanterie d’un pot d’eau croupie.