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C’est à lui, je le répète, que nous fûmes redevables de cette disposition constante dans ce lieu d’exil. Je ne fais ici que rendre à César ce qui appartient à César.

Et comment se plaindre ? Quel exemple des vicissitudes humaines nous avions sous les yeux ! Celui que la France ne pouvait contenir ; ce génie actif qui, tourmenté du besoin de créer, enfantait des projets dont les effets étonnaient le monde et ébranlaient la vieille Europe jusque dans ses fondements, était maintenant prisonnier dans un espace de quelques milles, dans une île de 6 lieues de tour, dont les neuf dixièmes lui étaient interdits !

Je m’arrête. Qu’importe la hauteur de la chute, puisque la force d’âme de Napoléon le mettait au-dessus du malheur, des persécutions, de l’insulte, plus cruelle encore ? Napoléon à Sainte-Hélène, luttant avec résignation et constance contre des maux que des vengeances, longtemps retenues, avaient enfin amassés sur sa tête, Napoléon, sur le triste roc, est plus grand, à mes yeux, que le conquérant assis sur l’antique trône de France, ôtant et distribuant des couronnes.