Page:Montherlant - Le Songe.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
LE SONGE


par la même émotion, des êtres décidaient de partir pour le lac Majeur.

« Une cagna, de la misère, de la mort... Je montrerai que je puis supporter l’excès de la misère comme j'ai supporté l’excès de la volupté : ainsi Alcibiade, et César, et Catilina. Je souffrirai, je rachèterai mes péchés. J’ai péché, mon Seigneur, j’ai péché ! J'ai fait souffrir et je n’ai pas souffert. J'ai levé la main sur un prêtre, un ministre de Dieu. J’ai trahi et livré ceux qui avaient eu confiance en moi. Dans le confessionnal, j’ai pris la ferme résolution de faire tout le mal possible à mes ennemis. Et je l'avouais ! Et l'on me donnait l'absolution ! Mais cette fois tout sera lavé : Je chercherai davantage de souffrance, comme jadis, quittant celle que j'aimais et qui venait d’être dure, je lui téléphonais sans autre but que d’entendre la dureté de sa voix au bout du fil. Je me proposerai pour le plus pénible, j’enterrerai les morts ; et je prendrai chacune de ces épreuves et je l'offrirai à mon Dieu pour mon salut et pour le salut de ceux que j'aime. Et toutes les épreuves, par ce seul mot : « Je l’offre » seront utilisées et enrôlées pour mon bien... » — « Se peut-il que je meure ? » se dit-il soudain. « Certes, mort pour mort, une mort violente est plus digne de moi. » Alors une voix parla, qui n’était pas tout à fait sa voix, qui était une voix qui parlait en lui et qui disait : « Cela m’est égal de mourir.»

A travers sa fièvre passa la fille qui a nom Douce, la petite fille silencieuse et qui jamais ne se refusa et dont jamais il ne souffrit, — inutile en dehors de l'amour et qu’il écarte alors avec une douceur ferme. Elle fut tout autour de lui comme de l’eau, au-dessus,