Page:Montfort - Vingt-cinq ans de litterature francaise 2.djvu/87

Cette page n’a pas encore été corrigée

et sans le réduire à cet anthropomorphisme génésique particulier à Mme Dauguet. Malheureusement, les admirateurs de Mme Sauvage ont été déçus par Le Vallon (1913). Le livre est gris et ennuyeux.

Violente, âpre à vivre, se montrait aussi dans ses vers en 1907, Mlle Jehanne d’Orliac, qui, depuis, s’est fait un nom dans le roman. Il y a du talent, de l’imagination, une sensibilité pittoresque dans Les Murmures, Les Chants, Les Cris, mais beaucoup de heurts et de désordre !

Du désordre, on en trouvait dans le premier recueil de Mme Henriette Sauret, Je respire (1914), tentative neuve de lyrisme scientifique, appliqué au corps humain, mais quelle joie de vivre, quel don d’images neuves, suggestives, que de richesses dans cet art direct dont on pouvait déjà tant espérer ! Il faut rendre justice également, en dehors de toute opinion politique, à ses recueils de guerre. En vers rudes, essoufflés, souvent semblables à de la prose hachée, en vers directs, comme dictés en elle par la révolte de l’amoureuse, de l’humanitaire et de la fervente de « la vie », Mme Sauret a maudit la guerre détestée des épouses. Dans Les Forces détournées (1917), et L’Amour à la Géhenne (1919), son vers vit, émeut, révolte même, et on ne l’oublie pas ; cette poétesse se distingue de tant d’autres par le tempérament.

À l’opposé de tout ce lyrisme excessif, il faudrait placer le courant spiritualiste ou catholique : ce n’est pas par sa Vie Nuancée (1915), que Mme Lucie Faure-Goyau a marqué sur son temps ; mais Mme Marie Noël doit nous arrêter. Cette poétesse inégale et surprenante qui compose depuis 1907 et qui débuta dans La Revue des Deux-Mondes avant la guerre, a publié en 1920 seulement un recueil Les Chansons et les Heures entièrement achevé dès 1914, et qu’ont admiré en même temps les critiques les plus différents. Le lyrisme de Marie Noël n’est jamais direct, ou bien, si elle se raconte, c’est sur un ton de chanson qui, volontairement, déroute. Cet art ne doit rien à la culture, on dirait que pour lui la Renaissance n’a pas existé. Il est catholique comme les églises gothiques.

Il semble que la poétesse ait parfois hérité de Villon, sans le savoir, un réalisme sobre, un mètre âpre et puissant, en même temps que sa voix enfantine, sa foi totale, son vers soudain liquide. C’est souvent un grand poète.

Mme Jeanne Termier-Boussac, qui eut l’honneur, à vingt-et-un ans, d’une préface de Léon Bloy, publiait en 1909 un sombre recueil de vers baudelairiens. Derniers Refuges, qui ressemble à une nuit trouée d’éclairs. Elle a fait paraître en 1920 des Poèmes, poèmes de son veuvage, de sa foi meurtrie et reconquise.