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Je ne songe, quant à moi, à nier ni la personnalité sympathique, ni l’intensité de sensations, ni l’heureux naturel de cette romantique attardée et luxuriante, ni une sorte d’ingénuité assez touchante. Mais il lui manque, à mes yeux, d’être une artiste. Certes, Mme Hélène Picard avait un génie aimable, fait pour la poésie des choses familières et le touchant lyrisme des champs et des bois, tel qu’on le découvre dans Les Lauriers sont coupés, ou dans Nous n’irons plus au bois. Une critique imprudente l’a déchaînée vers des Fresques. On aime surtout, en général, son Instant Eternel (1906).

Mme Marguerite Burnat-Provins n’a pas excité moins d’enthousiasme avec certains de ses poèmes en petites proses rythmées. Le Livre pour toi (1907), sensuel jusqu’à la brutalité, est probablement l’un des ouvrages de femmes les plus hardis qu’on ait publié, mais il n’est pas pervers, et ses pièces courtes, condensées autour d’une pensée ou d’une image, sont parmi les meilleures qu’elle ait composées. Dans son œuvre abondant, inégal, bavard et monotone, mais qu’anime un vif et minutieux sentiment de la nature. Le Livre pour toi, Le Cantique d’Eté, Le Chant du Verdier sont les meilleurs recueils.

Mme Marie Dauguet, qui débuta par La Naissance du Poète en 1897[1], est une des victimes de la mode frénétique qui sévissait au début du 20e siècle. Écrivant vingt ans plus tard, et échappant à cette contagion de Mme de Noailles (qui, sur son tempérament fruste et fort, eut des effets déplorables), Mme Marie Dauguet aurait été sans doute notre meilleur poète bucolique.

S’il était bien certain que Mme de Saint-Point[2] fût une poétesse, c’est à la suite de Mme Dauguet qu’il faudrait la nommer, car elle aussi elle appartient à l’école du Tout-Pan ou Tutu-Panpan, et l’on n’a pas oublié ses conférences en l’honneur de la Luxure. Mais je m’étonne encore que ses vers secs, durs, mal rythmés et prétentieux, brutaux mais sans force, aient pu trouver des admirateurs qui ne fussent pas des pince-sans-rire.

Nous rattacherons aux amoureuses de la vie et de la terre Mme Cécile Sauvage[3], non sans saluer en l’auteur de Tandis que la terre tourne (1910), une des premières parmi nos jeunes poétesses. Hantée par le phénomène de l’éclosion, elle le chante en elle et autour d’elle d’une façon juste et spontanée,

  1. À travers le Voile (1902), Par l’Amour (1906), un récit de voyage, Clartés (1907), et enfin deux autres recueils de vers, les Pastorales (1908) et l’Essor Victorieux (1911).
  2. Poèmes de la Mer et du Soleil (1905), Poèmes d’Orgueil (1908), la Soif et les Mirages (1912), Poèmes-drames idéistes (1917) et quelques romans incohérents et maniérés.
  3. Il faut admirer, dans son premier volume : « l’Ame en bourgeon », véritable poème de la grossesse, d’une rare saveur.