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sait si, à trop attendre, leur parfum subtil, mais point fortement personnel, ne s’est évanoui ? Mi-parnassienne et mi-mallarméenne, cette poésie indiquait une rare et naturelle science du vers et, à côté de pièces un peu vides ou obscures, il en était de charmantes.

Toutefois, c’est à ses romans[1] que Mme Gérard d’Houville doit sa célébrité. Les héroïnes de Mme d’Houville sont presque toujours de gentils animaux païens dont elle étudie les petites âmes de « voyou candide », « inconscientes et tendres », avec infiniment de grâce et d’allure. On pourrait se choquer, chez ce séduisant auteur, d’une sorte de « débraillé » de l’esprit, s’il n’était aussi adroitement éludé par sa distinction naturelle, son élégance d’écrire, par tout ce qui, chez Mme d’Houville, est « racé ». Elle a comme retrouvé cet art délicat de Mme d’Aulnoy et de Mme Leprince de Beaumont, cet art d’un siècle où l’on contait pour conter. Sa fantaisie est piquante, et toujours soutenue par son esprit lettré et orné ; son romantisme sentimental est atténué par une malice discrète et une classique sobriété d’expression. Il est dommage seulement que Mme Gérard d’Houville ne compose pas, qu’elle se laisse aller sans contrainte à son lyrisme descriptif et qu’elle n’ait jamais le courage de s’imposer des coupures. Jeune Fille (1917), par exemple, contient près de cinquante pages inutiles, et presque faussement poétiques.

Mme Marcelle Tinayre[2] n’avait pas vingt ans quand elle écrivit Avant l’Amour, qui parut en 1895 dans La Nouvelle Revue que dirigeait alors Juliette Adam. Sa célébrité date de La Maison du Péché (1902) et fut éclatante. C’est plutôt un homme de lettres qu’une femme de lettres ; jamais elle n’a songé à se raconter dans un roman ; elle ne dénude ni son corps ni son âme. Elle n’obéit pas seulement à l’inspiration, ne travaille pas seulement son

  1. L’Inconstante (1903), Esclave (1905), le Temps d’aimer (1908), le Séducteur (1914), etc
  2. Née à Tulle (Corrèze). Autres romans : La Rançon (1899), Hellé (1900), la Rebelle (1906), l’Amour qui pleure (1908), La Douceur de vivre (1911), La Veillée des Armes (1915), Perséphone (1920), etc.