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il faudra le reconnaître le jour où elle publiera un choix de ses meilleures poésies.

Laisser croire que son inspiration se limite à des thèmes d’ardeur et de rût, d’angoisse métaphysique ou de lyrisme descriptif, serait donner d’elle une idée bien incomplète. Sa voix rude et forte, parfois rocailleuse, ou folle comme une mer démontée, atteint cependant certains jours à l’ingénuité d’un enfant dans Ferveur (1902), dans Horizon (1904), et sa brusquerie naturelle se contraint fort bien jusqu’à la douceur verlainienne dans les lieds en octosyllabes des Souffles de Tempête (1908). Et si le livre de vers qu’elle a consacré à sa mère ne contient pas ses meilleures pièces au point de vue de la forme, il achève de révéler la sensibilité riche et nuancée de cette poétesse qui fit parfois des fautes de goût, qui n’eut jamais de fautes de cœur.

Mme Mardrus qui, contrairement à la plupart des femmes qui écrivent, est en constante progression, marque dans ses romans successifs le même souci de perfectionnement. Après des nouvelles assez hardies et un premier roman réaliste, elle publie le gentil récit des Six Petites Filles (1909), qui nous offre beaucoup d’elle-même et de son enfance ; puis, jusque vers 1913, une suite de romans souvent mal écrits, que la nécessité de les composer par tranches, comme des nouvelles, réduit à des raccourcis psychologiques douteux. Et quel style volontairement brutal et presque vulgaire, souvent, avec une sorte de hantise du sexe, de l’amour dépravé, névrosé ou bestial, des milieux décomposés, des êtres irresponsables ! Mettons à part, toutefois, Comme tout le monde, roman provincial qui est une manière de chef-d’œuvre. Mais, même dans ses récits les moins bons, il faut admirer le mouvement, l’imagination créatrice, le don d’inventer des héroïnes différentes de soi et de les renouveler. Depuis 1914 où elle a publié Un Cancre, qui contient de si belles descriptions de la campagne normande, le talent de romancière de Mme Mardrus a grandi, et sa langue, sans perdre toujours cette raucité qui lui est naturelle et n’est pas sans saveur, s’est singulièrement épurée. Presque tous ses romans sont maintenant des études d’enfants ou d’adolescents[1], écrits avec une tendresse qui gagne le lecteur, et beaucoup de finesse psychologique.[2]

La gloire future de Mme Colette[3] est une certitude aux yeux de pres-

  1. Toutoune est un roman exquis, l’Ex-Voto un indiscutable chef-d’œuvre.
  2. Autres œuvres : Poésie : Occident (1900), la Figure de Proue (1908), Par Vents et Marées (1912).
          Romans : Marie fille-mère (1909), l’Acharnée (1910), Tout l’Amour (1911), La Monnaie de Singe (1912), l’Inexpérimentée (1912), Douce Moitié (1913), Un roman civil (1916), Deux Amants (1918), L’âme aux trois visages (1919)
  3. Mme Colette, née à Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne), d’un père français et d’une mère belge, dont le père était mulâtre, a commencé d’écrire sous le pseudonyme de son mari, Willy ; on lui doit les Claudine. Les Dialogues de bêtes, parus, sous la signature « Colette Willy », sont de 1904. Divorcée, remariée en 191 2 avec