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Dans La Domination, le moins bon de ses livres, le seul qui n’ait pas été réédité, (sur son désir), il semble qu’elle ait essayé de transposer dans le personnage d’Antoine tout ce qui, en elle, est masculin et qu’elle a plus d’une fois indiqué dans ses vers : son « égoïsme sacré », son goût de la domination, sa curiosité cruelle. Le Visage émerveillé est une fantaisie délicieusement écrite où éclate son art merveilleux à cueillir la sensation et à la fixer sur une page comme un beau papillon tremblant ; mais toute vraisemblance psychologique, toute réalité de mœurs sont absentes de ce récit. Ce n’est pas seulement la prose soyeuse et diaprée, travaillée comme une broderie chinoise, qui fait le mérite de La Nouvelle Espérance^ mais la profondeur des observations intimes, leur raccourci, leur lucidité impitoyable. C’est une confession, à la troisième personne. On peut regarder ce roman très romantique comme un chef-d’œuvre de l’absurde, mais c’est un chef-d’œuvre. On ne comprendra bien l’inspiration de Mme de Noailles qu’à travers l’âme de Sabine.

Mme Lucie Delarue-Mardrus, née en 1880[1], à Honfleur, d’un père Normand et d’une mère Parisienne, a épousé en 1900 le Dr Mardrus, le traducteur des Mille et une Nuits. Ces trois faits dominent son œuvre, consacré tour à tour à Paris où elle a vécu, à la campagne normande où s’est écoulée son enfance et où elle retourne souvent, à l’Afrique du Nord où elle a fait de longs séjours.

C’est d’abord comme poétesse que Mme Mardrus, qui est surtout connue de nos jours comme romancière, se révéla. Profondément artiste, habile quand elle le veut à choisir ses mots et ses cadences, elle affectionnait dans ses premiers recueils les rythmes discords, les maladresses prosaïques, et d’agressives rencontres verbales. Cependant, c’est parfois un très grand poète, et

  1. Par méfiance et par courtoisie, je n’ai point demandé de dates de naissance, et je ne publie que celles qui m’ont été volontairement communiquées ou qui ont déjà été imprimées ailleurs.