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dont la production fut extraordinairement abondante. Elle a inventé un poncif, et les éditions à bon marché ont mis à la portée de tous son esprit vif, mais court, déjà démodé, ses enfants terribles, son Bob qui fut célèbre, ses jeunes filles insupportables, qu’elle croit charmantes, ses gentlemen « pourris de chic » déjà ridicules. Après avoir su évoquer une société qui se décompose, Mme Gyp est tombée dans le procédé, et ses dialogues semblent un « à la manière » d’elle-même. Son meilleur livre est Un Raté.

Mme Jean Bertheroy, née Berthe Barillier, a débuté en 1889, par un poème biblique et des vers parnassiens[1]. Elle est surtout connue pour ses romans antiques ou historiques qui ont eu du succès[2], et qui sont d’un labeur honorable et consciencieux. Elle a composé aussi une dizaine de romans modernes, qui témoignent de sa puissance de travail, mais dont la psychologie me semble assez conventionnelle.

Avant de nous arrêter sur les romancières dont les noms jettent un vif éclat sur cette période : Mme Rachilde, Judith Gautier, Marni et G. de Peyrebrune, il faut encore nommer Mme Braga (comtesse de Puliga), prodigieusement féconde, et Mme Marie-Anne de Bovet (marquise de Boishébert) qui, de 1889 à 1920, a publié, tant en recueils de voyage ou de nouvelles qu’en romans, quarante-et-un volumes ; Mme Poradowska qui a débuté en 1880 et a écrit jusqu’en 1913 ; Mme Jacques Fréhel[3] dont les récits bretonnants ont de réels dons de style, des qualités de mystère et de lyrisme.

Mme Georges de Peyrebrune, déjà oubliée, a joui, justement, d’une grande notoriété. On regarde ordinairement comme son meilleur livre Victoire la Rouge, où il y a de la puissance et qui évoque le Périgord noir, et j’avoue une faiblesse pour Frères Colombe. C’est une idéaliste.

« Peintre et confesseur de la femme amoureuse », a dit M. de Bonnefon de Mme Marni : ses dialogues[4] mordants et mélancoliques ont un peu vieilli, mais reprendront un jour leur valeur de documents de mœurs. Le premier tome de sa trilogie, Le Livre d’une Amoureuse, offre d’abord un intéressant caractère de femme, mais des péripéties encore feuilletonesques : Pierre Tisserand et Souffrir sont tout à fait remar-

  1. Marie-Magdeleine.
  2. La Vierge de Syracuse (1900) ; la Danseuse de Pompéi (1898) ; les Chanteurs florentins.
  3. Dorine (1890), le Cabaret des Larmes (1902), les Ailes brisées (1914), etc. Mme Frehel est morte en 1917.
  4. Dialogues de Courtisanes, Vieilles, Manoune (3 actes au Gymnase).