Page:Montfort - Vingt-cinq ans de litterature francaise 2.djvu/100

Cette page n’a pas encore été corrigée

Moralistes

Ce n’est ni par ses souvenirs de voyage, ni par ses vers, délicats mais sans grande originalité, que Mme Lucie Faure-Goyau mérite de laisser un nom, c’est par quelques-uns de ses essais[1], « à la manière anglaise ». Pénétrée de la dignité humaine de la femme et du vrai but de son influence, Mme Goyau était féministe sans parti pris politique. Il faut lire ses posthumes : Choses d’Ame.

À la suite du féminisme catholique, prôné par Mme Adam dans La Vie des Ames (1919) et par Mme Noël Francès dans ces Entravées (1911) qui sont autant un essai qu’un roman, il faut placer Mme Marguerite Féraud avec La Femme devant les Urnes (1919), livre fortement pensé, solidement mené, et d’une haute portée morale. Mlle Léontine Zanta, élève de Bergson, et qui, depuis trois ans, s’avère ardente féministe catholique, a l’un de nos plus beaux cerveaux de femme, et des plus équilibrés, sans en avoir moins de grâce. De son remarquable travail sur La Renaissance du Stoïcisme au XVIe siècle (1914), on a pu écrire que « la lucidité est sa qualité maîtresse ». On en peut admirer aussi l’originalité et la richesse ordonnée. On lui devait déjà l’édition (avec des notes et une introduction nourrie) du Manuel d’Epictète, d’André de Rivaudeau (19 14).

Mme Borély a publié, en 1917, Le Génie féminin français. Son amour pour le temps passé aveugle Mme Borély sur ce que purent souffrir autrefois dans leur dignité humaine les femmes laides, pauvres ou malchanceuses, et, singulièrement, elle nous propose en idéal la vie menée par une Chevreuse, une Ninon, une Pompadour ! Je ne puis, en vérité, prendre au sérieux tant d’assertions sur la vie d’autrefois, que controuvent les faits ; mais où Mme Borély est exquise, profonde, Marthe Borély neuve, où éclate, sinon le génie français féminin, au moins le meilleur de son propre génie, c’est dans ses aperçus psychologiques, ses observations sur l’amour. Le livre de Mme Borély, où l’homme est placé sans restriction sur le pavois, lui a valu de grandes louanges de la critique masculine. Il le mérite en tout cas par son esprit charmant.

Certaines phrases de Mme Jacques Trêves (Le Rôle de la Femme dans la Vie des Héros, 1913) pourraient être du « Génie féminin français », nonobstant un rythme tendu dont n’use guère l’aimable Borély. Il est regrettable que ce livre, d une inspiration élevée, soit gâté par un style faussement poétique et nietzschéen… Pour la même raison, je ne saurais goûter le lyrisme échevelé et la philosophie obscure du Royaume des Ombres (1910). Citons encore, trop rapidement Mme Brisson (Yvonne Sarcey) des Annales, Mme Colette Yver, Mme Léon Daudet, autres antiféministes de bon sens et sans acrimonie.

  1. Newmann (1900), Les Femmes dans l’oeuvre de Dante (1902), Ames païennes, âmes chrétiennes (1908), L’Âme des Enfants… (1912), Christianisme et culture féminine (1914)