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Liv. XXVIII. Chap. II.

même à se faire législateur du peuple vaincu.

Je trouve l’origine de cela dans les mœurs des peuples Germains. Ces nations étoient partagées par des marais, des lacs & des forêts ; on voit même dans César[1] qu’elles aimoient à se séparer. La frayeur qu’elles eurent des Romains, fit qu’elles se réunirent ; chaque homme, dans ces nations mêlées, dut être jugé par les usages & les coutumes de sa propre nation. Tous ces peuples dans leur particulier étoient libres & indépendans ; & quand ils furent mêlés, l’indépendance resta encore : la patrie étoit commune, & la république particuliere ; le territoire étoit le même, & les nations diverses. L’esprit des lois personnelles étoit donc chez ces peuples avant qu’ils partissent de chez eux, & ils le porterent dans leurs conqûetes.

On trouve cet usage établi dans les formules[2] de Marculfe, dans les codes des lois des barbares, sur-tout dans la loi des Ripuaires[3], dans les[4]

  1. De bello Gallico, liv. VI.
  2. Liv. I, form. 8.
  3. Chap. xxxi.
  4. Celui de Clotaire de l’an 560, dans l’édition des capitulaires de Baluze, tome I, arr. 4 ; ibid. in fine.