Dans quel danger n’eût pas été la république de Carthage, si Annibal avoit pris Rome ? Que n’eût-il pas fait dans sa ville après la victoire, lui qui y causa tant de révolutions après sa défaite[1] ?
Hannon n’auroit jamais pu persuader au sénat de ne point envoyer de secours à Annibal, s’il n’avoit fait parler que sa jalousie. Ce sénat qu’Aristote nous dit avoir été si sage, (chose que la prospérité de cette république nous prouve si bien) ne pouvoit être déterminé que par des raisons sensées. Il auroit fallu être trop stupide pour ne pas voir qu’une armée à trois cents lieues de-là, faisoit des pertes nécessaires, qui devoient être réparées.
Le parti d’Hannon vouloit qu’on livrât Annibal aux Romains[2]. On ne pouvoit pour lors craindre les Romains ; on craignoit donc Annibal.
On ne pouvoit croire, dit-on, les succès d’Annibal : mais comment en douter ? Les Carthaginois répandus par toute la terre, ignoroient-ils ce qui se