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droit qu’ils ont de dépouiller les seigneurs. Cet homme ne voyoit jamais dans cette histoire qu’une pension.

916* (143. I, p. 126). — J’ai entendu la première représentation de la tragédie d’Inès de M. de La ? Motte ; j’ai bien vu qu’elle n’a réussi qu’à force d’être belle, et qu’elle a plu aux spectateurs malgré eux. Il y a un second acte qui, à mon goût, est audessus de tous les autres. Je me suis plus senti touché les dernières fois que les premières. Au 1o cinquième acte, il y a une scène des enfants qui a paru ridicule à bien des gens, et l’auditoire étoit partagé : les uns rioient, et les autres pleuroient. Je suis persuadé que cette scène feroit un effet étonnant sur un peuple dont les mœurs seroient moins 1b corrompues que les nôtres. Nous sommes parvenus à. une trop malheureuse délicatesse.

Tout ce qui a quelque rapport à l’éducation des enfants, aux sentiments naturels, nous paroit quelque chose de bas et peuple. Nos mœurs sont 2o qu’un père et une mère n’élève (sic) plus ses (sic) enfants, ne les voit plus, ne les nourrit plus. Nous ne sommes plus attendris à leur vue ; ce sont des objets qu’on dérobe à tous les yeux ; une femme ne seroit plus du bel air si elle paroissoit s’en soucier. 2 ? Quel moyen que des esprits ainsi préparés puissent goûter sur la scène de pareils objets ? Racine, qui l’auroit pu faire plus impunément, ne l’a pas hasardé et n’a pas osé montrer Astyanax. Le petit Regulus plut autrefois, parce que les mœurs n’étoient pas si 3o