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Les deux satires que nous avons sur les femmes ont été faites par deux pédants ; aussi ne sont-elles pas bonnes : Despréaux et Juvénal. Bon Dieu ! si Horace l’avoit faite ! Mais le sujet ne vaut rien, et Horace avoit trop d’esprit pour prendre un tel sujet.

Mais les beaux génies ont beau faire de mauvais ouvrages, ils sont toujours, par quelque côté, inimitables : témoin l’éloge de Mad» de Maintenon dans cette satire sur les femmes de M. Despréaux.

Le jansénisme a fait un furieux tort à la Muse de 1o M. Despréaux ; il a fait la gloire de Racine : Esther et Athalie. M. Racine a tiré de là des idées sur la grandeur de la Religion et a rempli sa poésie de ses sentiments ; M. Despréaux en a tiré des discussions théologiques, sujet étranger et ennemi de la poésie.’ ?

Les ouvrages immortels de M. Despréaux sont son Lutrin, son Art poétique, son épître (sic) à M. de Valincour, et autres. Ce qui afflige dans les ouvrages de M. Despréaux, c’est un orgueil très peu délicat, qui se montre toujours, et un mauvais naturel, qui 2o se montre encore, une répétition trop fréquente des mêmes traits satiriques ; de sorte qu’on voit un cœur également corrompu et un esprit qui ne sert pas assez bien le cœur. Ses imitations des Anciens ont fait croire qu’il avoit plus d’esprit que de génie, et, 35 moi, vu la stérilité de son esprit, je lui trouverois plus de génie que d’esprit. Effectivement, il n’y a presque pas une de ses pièces où l’on ne trouve de l’invention, où l’on ne voit l’homme de génie. Son Lutrin est un poème parfait ; il se maintient perpé- $o tuellement contre la bassesse et la stérilité de son