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On dit qu’Ovide a trop d’esprit, c’est-à-dire s’abandonne trop à son esprit. Mais, si c’étoit le défaut d’Ovide, il seroit identifié avec lui et règneroit dans tous ses ouvrages, comme il règne dans tous les ouvrages du cavalier Marin. Ovide n’avoit 3 point ce caractère d’esprit-là, parce qu’il prenoit le caractère qui étoit propre à chaque sujet.

880* (2178. III, f°363). — L1ttérature Et BellesLettres. — Quinte-Curce. — On ne sait guère quel est le rhéteur qui, sans savoir et sans jugement, 1o promène Alexandre sur une terre qu’il ne connoît pas, et qui le couvre de petites fleurs, et qui a écrit sans connoître une seule des sources où il devoit puiser. Les Anciens ont eu plus de bon sens que nous : ils ne l’ont cité nulle part, et, quoique la 15 pureté de son style nous prouve son antiquité, il est resté dans l’oubli, et il semble qu’on attendît la Barbarie pour l’en faire sortir et le produire comme un modèle dans les écoles : comme si, pour apprendre une langue, il falloit commencer par gâter l’esprit. 2o Quinte-Curce nous dira qu’Alexandre, désespérant de se faire suivre par ses Macédoniens, leur dit qu’ils n’avoient qu’à s’en retourner en Macédoine, et qu’il iroit seul conquérir l’Univers. Arrien nous dira que le désespoir, la tristesse et les larmes des 25 Macédoniens vinrent de ce qu’Alexandre avoit formé une armée qui le mettoit en état de se passer des Macédoniens et d’achever sa conquête ; les cris et les larmes de l’armée, les soupirs d’Alexandre, les réconcilièrent.