Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t2, 1901.djvu/59

Cette page n’a pas encore été corrigée

parler, elle rougit » : l’effet de la rougeur n’est pas d’empêcher de parler ; ce sont les pleurs qui ont cet effet. Il faut donc nécessairement commencer par arrêter ses discours par ses sanglots. Mais la peinture demande que le poète décrive la rougeur de 5 Lucrèce, et il le fait par le plus beau vers du Monde :

Et matronales erubuere genœ.

879* (2180. III, f° 367). — Ovide. — Il faudra voir les réflexions que j’ai faites dans mes extraits de ce 1o poète.

Sur l’affront fait à Lucrèce, et qu’elle raconte :

Cœtera restabant ; voluit cum dicere (sic) flevit

Et matronales erubuere genœ. 

Le second vers n’est point une longueur, comme 15 on a dit. Quand elle pense à la grandeur de l’affront, elle pleure ; quand elle pense à la honte qui le suit, elle rougit. C’est son embarras qui la fait pleurer. Le sentiment de son malheur la fait pleurer ; la vue de son malheur la fait rougir. Ce sont les différents 2o états où nous mettent les passions, qu’Ovide exprime si bien.

J’ai dit que le second vers n’étoit pas une longueur. Le premier vers est le sentiment du malheur et de la douleur de Lucrèce ; le second est 33 le sentiment de la pudeur. Or Ovide est admirable pour peindre les passions, c’est-à-dire pour peindre les différents sentiments qui naissent d’une passion, qui se précèdent, ou qui se suivent,