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de l’âme nous porte à la gloire, au lieu que la créance contraire en affaiblit en nous le désir.

2085* (231. I, p. 247). — Le dogme de l’immortalité de l’âme, ce dogme si saint, sembloit ne devoir produire que des sentiments de reconnoissance pour 5 un Créateur qui avoit rendu notre être aussi durable que le sien, que des sentiments de confiance envers un si grand bienfaiteur, que des sentiments d’équité, de justice pour les hommes destinés à l’éternité comme nous et avec nous. Mais, bien loin que la 1o dévotion, qui outre tout, en ait tiré des conséquences si naturelles, on peut dire qu’elle s’en est servi pour ravager le Genre humain. Allez en Égypte voir ces monuments barbares du dogme de l’immortalité, qui coûtèrent tant de travaux, qui 0 furent la source de tant de vexations, qui rendirent les princes si odieux aux peuples ! Allez voir dans la Perse les sépulcres des roix, dont l’entretien pourroit fournir à la subsistance de plusieurs villes ! Allez dans les Indes voir naître de ce dogme celui 2o de la transmigration des âmes ; voir les hommes, obligés de vivre de légumes, après avoir souffert la faim, souffrir encore le froid et n’oser brûler du bois, qui pourroit servir de retraite à quelque insecte ; les femmes contraintes de se brûler après la mort de 23 leurs maris ; les trésors partout ensevelis et rendus par superstition à la terre, dont ils avoient été tirés.

Voyez dans toute l’Asie ce nombre innombrable de derviches et de fakirs, qui, avec leurs orgueilleuses et austères pénitences, tournent vers eux 3o