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rapport faux, à force de le renouveler et d’y accoutumer l’âme ; tout cela n’étant qu’habitude.

Mais, si ce que je viens de dire est bien vrai, pourquoi les bêtes ne raisonnent-elles pas comme 5 les hommes ?

2065* (1341. II, f° 191). — M. Chiselden ayant abattu la cataracte à un aveugle-né, celui-ci ne pouvoit juger des distances et croyoit que les objets devoient toucher ses yeux, comme ce qui touchoit sa 1o peau ; il ne connoissoit la figure d’aucune chose et ne pouvoit la reconnoître par la vue qu’après en avoir examiné la figure par le toucher.

On sait que, quoique l’âme voye d’abord le côté gauche de chaque objet à droite, le côté droit à 15 gauche, le côté de dessus en bas, celui d’en bas en dessus, elle rectifie tout par ses expériences.

Un tableau ne représentoit point à l’homme de M. Chiselden une figure en bosse. Il y a bien de l’apparence que l’âme ne rap2o porte les sons aux corps sonores que par des observations réitérées dans l’enfance, dans lesquelles elle lie le sentiment du son à la cloche qui la produit.

Le sentiment du toucher ne donna pas à l’homme 25 de M. Chiselden une juste idée de la figure des choses. Le sentiment de la vue ne le lui donna pas non plus. Ce fut donc de ces deux sens que son âme tira l’idée qu’elle s’en fit.

L’âme est donc une philosophe qui commence à 3o s’instruire, qui apprend à juger de ses sens mêmes