Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t2, 1901.djvu/485

Cette page n’a pas encore été corrigée

magistrats. Les ecclésiastiques ne sauraient rien entreprendre, crainte de la saisie de leur temporel, et les évêques ne sauroient plus dire : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. » Et, si même la foi étoit en péril, peut-être y en auroit-il quelques- 5 uns qui ne se soucieroient guère d’un point de foi ou de discipline qui leur ôteroit 5o.ooo livres de rente1.

Ceci fait naître ma troisième réflexion, qui est que le Pape n’a point non plus d’intérêt à protéger 1o les richesses de l’Église, puisqu’elles sont contre lui, et qu’elles l’empêchent de pouvoir à sa fantaisie disposer des évêques : témoin les affaires de Sicile sous Clément XI, et celles de Venise, plus anciennes.

D’ailleurs, le Pape est presque sans intérêt aujour- 15 d’hui : car il ne retire rien des bénéfices et des couvents, à la réserve de quelques bulles, qui ne vont pas à un gros objet. Il n’a plus en France de grâces expectatives à donner, plus de décimes à lever, plus de droit de dépouille et autres droits qu’il auroit 2o autrefois été de son intérêt de soutenir, et pour lesquels Rome publia autrefois sa bulle In Cœna Domini.

Il y a plus. C’est que toutes ces richesses le mettent toujours en danger de perdre du terrain. 25 Elles mettent la Catholicité en danger, en facilitant aux Princes les moyens d’intéresser toutes les plus considérables familles de leurs États à sa destruction,

1. Henri IV disoit fort bien, au Parlement, à tous les grands braillards de la Ligue : « Je n’ai qu’à leur donner un bénéfice pour les faire taire. »