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Or, il est impossible que les Jansénistes de France et de Hollande ne se communiquent beaucoup. Comme les Jésuites, par leur crédit, par leur industrie, par leurs fatigues, arment toujours cette puissance contre eux, il ne leur est guère possible de se 5 défaire des Jésuites qu’en ébranlant cette puissance. Et, si un Prince se met jamais dans la tête de dépouiller l’Église de ses biens, il ne faut pas douter que le parti des Jansénistes, en haine de la Cour de Rome, ne soit pour lui ; et, s’il employe ces biens 1o au soulagement des sujets, il ne faut pas douter que le peuple n’y soit encore.

Quoique je n’approuve nullement une pareille entreprise, voici comment je m’imagine qu’elle sera exécutée, si elle l’est jamais. On supprimera toutes ô les abbayes, couvents de moines, prieurés, chapelles, cathédrales et collégiales, et on ne gardera que les évêchés et cures, hôpitaux et universités. On laissera chacun dans la paisible possession de son bien ; mais, à mesure qu’un bénéfice vaquera, il sera sup- 2o primé, et les biens qui en dépendent, même les maisons, vendues au profit de l’État. Les religieux et moines resteront aussi dans la possession de leurs biens ; mais, à mesure qu’ils mourront, ceux qui n’ont point fait de vœu de stabilité seront trans- ih portés des couvents des villes dans les couvents des campagnes, et les couvents vides et biens en dépendant seront vendus au profit de l’État ; et, quant aux moines qui auront fait vœu de stabilité, la portion des morts accroîtra à l’État et sera vendue à 3o mesure.