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la loi de son esclavage n’a jamais pu lui être utile. Elle est dans tous les cas contre lui, sans être jamais pour lui : ce qui est contre le principe fondamental de toutes les sociétés.

Que si l’on dit qu’elle a pu lui être utile, parce 5 que le maître lui a donné la nourriture, il faudroit donc réduire l’esclavage aux personnes incapables de gagner leur vie’. Mais on ne veut point de ces sortes d’esclaves-là.

Un esclave peut donc se rendre libre ; il lui est 10 permis de fuir2. Comme il n’est point de la Société, les loix civiles ne le concernent point.

En vain, les loix civiles forment des chaînes ; la Loi naturelle les rompra toujours.

Ce droit de vie et de mort, ce droit de s’emparer 15 de tous les biens qu’un esclave peut acquérir, ces droits si barbares et si odieux, ne sont point nécessaires pour la conservation du Genre humain ; ils sont donc injustes.

Condamner à l’esclavage un homme né d’une cer-1o taine femme est une chose aussi injuste que la loi des Égyptiens qui condamnoit à mort tous les hommes roux3 ; injuste, en ce qu’elle étoit défavorable à un certain nombre de gens, sans pouvoir leur être utile. 25

Et comment a-t-on pu penser à ôter à un père la propriété de ses enfants et aux enfants la propriété de leur père ?

1. Mis dans les Loix.

2. Mis dans les Loix.

3. Mis dans les Loix.