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puissances, un très grand nombre de grandes villes, qui se gouvernoient par leurs loix, également capables de faire la guerre et de la soutenir. Quand la Sicile devint une province romaine, elle 5 fut avec l’Égypte le grenier de Rome et de l’Italie, et, par conséquent, une des principales parties de l’Empire.

Il faut donc que des causes étrangères ayent mis ce beau pays dans l’état de décadence où il est. Je

1o crois qu’il n’en faut point chercher d’autre origine que celles que je vais donner : l’absence de ses souverains, qui ont toujours tiré l’or et l’argent du pays ; la dépopulation arrivée par le grand nombre de prêtres et de moines : ce qui se fait plus sentir

15 dans les pays du Midi, qui se dépeuplent toujours plus que ceux du Nord, parce qu’on y vit beaucoup moins.

Don Carlos tireroit un grand parti de la Sicile s’il en employoit les revenus à entretenir une flotte, et,

2o par là, il seroit très respecté sur les côtes de l’Archipel, de l’Asie, de Barbarie, d’Italie, d’Espagne, et même par les Anglois et les Hollandois, qui auroient besoin de lui pour leur commerce. Il pourroit tenir le Turc en échec du côté de la mer. Les

25 tributs ne sortiroient point de la Sicile et y seroient consommés, et le pays seroit plus en état de porter les charges. Il faudroit moins en Sicile de troupes de terre, puisque la flotte en garderoit les côtes : le roi de Naples ne peut presque pas disposer des

3o troupes de terre qu’il a en Sicile, et où elles sont pour ainsi dire enfermées. Pour mettre la Sicile en