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gouvernements modérés, il faut combiner, tempérer les puissances ; savoir ce qu’on donne à l’un, ce qui reste à l’autre ; enfin, il faut un système, c’est-à-dire une convention de plusieurs et une discussion d’intérêts. Le gouvernement despotique est uni- 5 forme partout : il saute aux yeux1.

1794 (892. II, f° 10). —On ne doit pas être étonné de voir que presque tous les peuples de l’Univers soyent si éloignés de la liberté qu’ils aiment. Le gouvernement despotique saute, pour ainsi dire, aux 1o yeux et s’établit presque tout seul. Comme il ne faut que des passions pour le former, tout le monde est bon pour cela. Mais pour faire un gouvernement modéré, il faut combiner les puissances, les tempérer, les faire agir et les régler ; donner, pour 0 ainsi dire, un lest à l’une, pour la mettre en état de résister à une autre. C’est un chef-d’œuvre de législation que le hasard fait bien rarement, et qu’on ne laisse guère faire à la prudence2.

1795 (918. II, f° 14 v°). — Tout gouvernement mo- 2o déré, c’est-à-dire où une puissance est limitée par une autre puissance, a besoin de beaucoup de sagesse pour qu’on puisse l’établir, et de beaucoup de sagesse pour qu’on puisse le conserver.

Dans de certains troubles et confusions où chaque 25 citoyen est chef de parti, comment peut-on asseoir un gouvernement, à moins que ce ne soit celui qui

1. Voyez le volume suivant, pages 1o et 17.

2. Voyez page 17, et la page 534 du volume précédent.