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Ces gouverneurs, qui voyent une révolution prochaine, et que la capitale sera prise, et le Prince aussi, avant qu’ils ne puissent arriver, hâtent et déterminent la révolution en n’obéissant pas et songeant

5 à leurs intérêts particuliers. Des gens accoutumés à obéir parce que la punition est extrêmement proche, n’obéissent plus lorsqu’ils la voyent extrêmement loin. L’Empire se dissout, la capitale est prise, et le conquérant dispute les provinces avec les gouver

1o neurs. C’est ainsi que l’Empire de la Chine a été plusieurs fois détruit par les chefs de voleurs, et, plusieurs fois, par les Tartares.

Enfin, il faut, pour qu’un État soit dans une situation permanente, qu’il y ait un rapport de la vitesse avec

15 laquelle on peut exécuter contre lui une entreprise, avec la vitesse que l’on peut employer pour la rendre vaine.

Remarquez que les princes des grands États 1 ont ordinairement peu de pays voisins qui puissent être

2o l’objet de leur ambition. S’il y en avoit eu de tels, ils auroient été engloutis dans la rapidité de la conquête. Ainsi ce sont ordinairement de vastes déserts, des mers ou des montagnes, des pays, enfin, que leur pauvreté fait mépriser. Ainsi un vaste État

25 fondé par les armes ne se soutient plus par les armes, mais tombe dans une profonde paix. Et comme, lorsque le trouble et la confusion est (sic) quelque part, on ne peut imaginer comment la paix y peut rentrer, de même, lorsqu’une pleine paix et

1. Mis cela sur les Romains.