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comique. Je la définirai, dans la plaisanterie, la manière de rendre plaisamment les choses plaisantes, et c’est le sublime de l’humeur, et, dans les choses ingénieuses, la manière de rendre plaisamment les 5 choses ingénieuses. Ce que les images sont dans la poésie, l’humeur est dans la plaisanterie. Quand vous mettez de la plaisanterie sans humeur, vous sentez quelque chose qui vous manque, comme quand vous faites la poésie sans image. Et la diffi1o culté de l’humeur consiste à vous faire trouver un sentiment nouveau, dans la chose, qui vient pourtant de la chose.

Voici des exemples. L’épigramme de Rousseau qui commence :

15 Un mandarin de la Société,

est ingénieuse ; elle est même plaisante, si l’on veut ; il n’y a point d’humeur. Celle

Entre Racine et l’aîné des Corneille

est de même : elle est ingénieuse et plaisante, et il 2o n’y a point d’humeur. Dans celle de ce moine, où un pénitent vient s’accuser d’avoir, par la vertu d’une recette, fait des choses admirables, et à qui le moine dit :

35

« Or baille-moi la joyeuse recette ! Et te promets mon absolution, »

l’idée est plaisante, et l’auteur y a ajouté de l’humeur par le mot de mon. S’il avoit dit l’absolution, l’épigramme n’étoit plus que plaisante. Le moine