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consiste dans son crédit et dans son commerce, se servir de ces deux avantages pour envoyer combattre contre nous autant d’hommes qu’elle en pouvoit acheter. Tranquille au dedans, sans pourtant une 5 seule place qui pût la défendre, elle réalisoit contre nous des richesses de fiction et devenoit spectatrice tranquille de ses mercenaires, qu’elle perdoit sans regret et réparoit sans peine ; tandis que, par un esprit de vertige, nous attendions les coups pour

1o les recevoir, et mettions sur pied de grandes armées pour voir prendre nos places, et décourager nos garnisons, et languir dans une guerre défensive, dont nous ne sommes point capables. Il falloit aller à cette nation, tenter sans cesse de passer la mer,

15 et arroser de son sang et du nôtre sa terre natale. Lui faire la guerre, c’étoit la vaincre ; la mettre en péril, c’étoit pour nous la conquérir. Nous lui faisions perdre ce crédit qui nous étoit si fatal, et jetions des soupçons sur celui d’une autre puissance

zo maritime. Nous l’aurions contrainte de rappeler son Annibal, avec sa vieille armée, ou de faire la paix, ou de s’arrêter devant nous.

La seule grande entreprise que nous fîmes au dehors nous fut fatale. Nous allâmes réveiller la

25 jalousie, la crainte et la haine d’une nation qui n’étoit qu’un instrument de cette guerre, qui, lente et presque immobile d’elle-même, recevant (sic) tout son mouvement d’ailleurs. C’étoit comme Antée, qui retrouvoit sans cesse les forces qu’il avoit perdues.

3o 1624 (726.I, p. 487). — La constance de la Grandet. 11. H