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1519* (99. I, p. 90). — Telle étoit, du temps d’Alexandre, la situation du Monde que tout ce qui n’étoit pas grec paroissoit à peine, et qu’il n’y avoit d’Univers que son empire.

Je ne trouve rien de si beau que l’embarras et la !’ consternation de l’Univers après sa mort. Tout le monde se regarde dans un profond silence. La rapidité de ses conquêtes avoit prévenu toutes les loi-x. Le Monde pouvoit être soumis aux conquérants ; l’admiration le maintenoit fidèle. On avoit vu le 1o Monde une conquête, mais non pas une succession. Tous ses capitaines se trouvoient également incapables d’obéir et de commander. Alexandre meurt, et c’est peut-être le seul prince dont la place n’ait pu être remplie : l’homme manqua comme le roi ; la 15 succession légitime fut méprisée, et on ne put pas seulement convenir d’un usurpateur.

Cette grande machine, privée de son intelligence, se démembra. Tous ses capitaines partagèrent son autorité ; personne n’osa, par respect, succéder à 2o son titre’. Le nom de Roi parut enseveli avec lui, non pas, comme il est arrivé quelquefois, par la haine, mais par le respect qu’on avoit pour celui qui l’avoit porté.

Les nations captives oublient leurs chaînes et le 25 pleurent ; il sembloit qu’elles crussent que leur captivité ne commençoit que de ce jour, après avoir perdu celui-là seul à qui il n’étoit pas honteux d’obéir.

1. Mis dans Y Esprit des Loix.