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langue puisse porter. Il me semble seulement que notre déclamation est meilleure, et notre musique, moins bonne. Il faut chercher sur ces principes la différence des deux musiques ; examiner si cette 3 différence de déclamation ne viendroit pas de ce qu’une des deux langues a plus de voyelles que l’autre, ou de quelque autre raison. C’est (?) une chose arbitraire que l’une se tourne (?) en trochées ; l’autre, en ïambes1.

La déclamation italienne est foible et ne peut être bonne dans le tragique, parce qu’il est impossible de prononcer un mot soutenu, parce qu’on finit toujours par une brève. Je ne sais pas encore pourquoi les vers (rimes) sont insupportables dans une comédie ou tragédie italienne, comme on me dit.

L’avantage de nos ïambes sur les trochées italiens est que les ïambes frappent mieux les organes. La longue qui finit le mot semble lui ajouter quelque chose ; la brève qui le finit semble lui ôter quelque chose. Lorsque nous voulons mouvoir un corps, nous l’ébranlons et gardons toujours la grande percussion pour la fin. Il en est de même des mouvements de l’âme. Aussi les Anciens mettoient-ils des ïambes dans les vers qui devoient se déclamer, afin de battre sans cesse l’oreille. Et, à examiner la déclamation italienne, on voit bien que les Italiens font bien de n’avoir que des Polichinelles et des Arlequins ; c’est qu’ils ne peuvent pas avoir mieux.

1. Tournez la feuille.