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C’est eux, au bout du compte, qui polissent le peuple de l’Europe qui a le plus d’agréments.

C’est eux qui lient nos sociétés, et qui mettent une heureuse harmonie entre des personnes que les 5 anciennes mœurs auroient rendues incompatibles. C’est à eux que nous devons cette vivacité qui fait que nos gens d’esprit nous paroissent plus aimables, et que nos sots ne sont pas tout-à-fait stupides. — Les uns mettent parmi nous une certaine action,

1o qui change en occupation nos amusements mêmes ; les autres sont une espèce de spectacle fort réjouissant.

C’est eux qui, au lieu de cette arrogance qui paroît dans les particuliers chez quelques peuples, chan

15 gent notre orgueil en une impertinence agréable qui se produit de mille façons. — Ils inspirent aux jeunes gens, choqués du sérieux de la robe de leurs pères, de répandre leur sang pour le service de la Patrie et de s’approcher du Prince.

2o Enfin, c’est de leur tête, quoique un peu éventée, que sort la principale branche de notre commerce, fondée sur ce bon goût qui nous fait changer de modes et d’habits avec une autorité trop absolue pour ne pas croire que nous ne changions en

35 mieux.

C’est à eux principalement que je consacre ce petit ouvrage. La plupart des gens dédient leurs livres à ceux qui les lisent ; moi, je dédie celui-ci à ceux qui ne le liront point : espérant que, si, par

3o hasard, ils apprennent qu’il leur appartient, ils voudront bien ne le point critiquer et avouer ingénuement