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1087 (719. I, p. 483).—Je pense que nous sommes jaloux par une douleur secrète du plaisir des autres, lorsque nous n’en sommes ni la cause ni la fin1 ; ou à cause d’une certaine pudeur, c*est-à-dire

5 la honte de nos imperfections qui nous a obligés de dérober aux yeux de certaines choses : d’où il est arrivé qu’un mari a regardé les secrets de sa femme comme les siens ; ou par une connoissance que chacun a du peu d’étendue des passions, trop aisément

1o satisfaites, et de cette imbécillité de la nature qui fait que le cœur partagé entre deux personnes se donne tout entieràl’uneouse détache de toutes les deux ; ou à cause d’une propriété donnée à un mari des enfants qui naissent d’une certaine femme, propriété que l’on

15 cherche toujours à rendre la moins incertaine qu’il est possible ; ou par une certaine crainte du ridicule que les mauvais plaisants de toutes les nations ont versé sur cette matière : chacun s’étant toujours plu à toucher une passion qui, remuée dans un homme,

2o aboutit à toutes les autres (parlez de la vengeance, vous ne toucherez que celui qui sera pénétré d’un affront qu’il aura reçu : tous les autres seront de glace ; mais parlez de l’amour, vous trouverez tous les cœurs ouverts et toutes les oreilles attentives) ; ou,

25 enfin, par un certain désir d’être aimé des personnes que l’on aime : lequel est dans la substance de l’âme, c’est-à.dire dans sa vanité, et n’est point différent de celui que nous avons d’être considérables à tout le monde, surtout à ceux qui ont le plus de relation