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par le pli qu’elle se donne. La raison en est que, la plupart des douleurs étant beaucoup augmentées par l’imagination (ce qui paroît bien clairement dans les femmes et dans les enfants, qui se désolent pour les moindres peines et les moindres chagrins), 5 elles sont, d’ailleurs, beaucoup augmentées par la crainte des suites. Or, on peut accoutumer son âme à examiner les choses telles qu’elles sont. On ne vaincra point son imagination : car cela est impossible ; mais on en diminuera les accès. Une 1o des considérations des plus efficaces pour nous endurcir sur nos malheurs, ce sont les considérations de l’immensité des choses et de la petitesse de la sphère où nous vivons. Comme ce sont des choses que la philosophie nous prouve par les sens 15 mêmes, nous en sommes beaucoup plus touchés que lorsqu’elles nous sont prouvées par des raisonnements théologiques et moraux, lesquels ne vont qu’à l’esprit pur.

997* (69.I, p. 65). — Former toujours de nouveaux 2o désirs et les satisfaire à mesure qu’on les forme, c’est le comble de la félicité. L’âme ne reste pas assez sur ses inquiétudes pour les ressentir, ni sur la jouissance pour s’en dégoûter. Ses mouvements sont aussi doux que son repos est animé ; ce qui 2 ? l’empêche de tomber dans cette langueur qui nous abat et semble nous prédire notre anéantissement.

998(u66. II, f° 81). — L’attente est une chaîne qui lie tous nos plaisirs.