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994*(2010. III, f° 312). — Bonheur. — M. de Maupertuis ne fait entrer dans son calcul que les plaisirs et les peines, c’est-à-dire tout ce qui avertit l’âme de son bonheur ou de son malheur. Il ne fait point entrer le bonheur de l’existence et la félicité habituelle, qui n’avertit de rien, parce qu’elle est habituelle. Nous n’appelons plaisir que ce qui n’est pas habituel. Si nous avions continuellement le plaisir de manger avec appétit, nous n’appellerions

1o pas cela un plaisir ; ce seroit existence et nature. Il ne faut pas dire que le bonheur est ce moment que nous ne voudrions pas changer pour un autre. Disons autrement : le bonheur est ce moment que nous ne voudrions pas changer pour le non-être.

995 (658. I, p. 460). — Il faut que chacun se procure dans toute la vie le plus de moments heureux qu’il est possible. Il ne faut point pour cela fuir les affaires : car souvent les affaires sont nécessaires aux plaisirs ; mais il faut qu’elles en soyent comme

-o une dépendance, non les plaisirs, d’elles. Et il ne faut pas se mettre dans la tête d’avoir toujours des plaisirs : cela est impossible ; mais, le plus qu’on peut. Ainsi, quand le Grand-Seigneur est fatigué de ses femmes, il faut qu’il sorte de son sérail. Quand

23 on n’a pas d’appétit, il faut quitter la table et aller à la chasse.

996(58.I, p. 60). — Quoi que j’aye dit du bonheur fondé sur la machine, je ne dis pas pour cela que notre âme ne puisse aussi contribuer à notre bonheur