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6 (1oo3. II, f° 3i).—J’ai toujours eu une timidité qui a souvent fait paroître de l’embarras dans mes réponses. J’ai pourtant senti que je n’étois jamais si embarrassé avec les gens d’esprit qu’avec les sots. 5 Je m’embarrassois parce que je me croyois embarrassé, et que je me sentois honteux qu’ils pussent prendre sur moi de l’avantage.

Dans les occasions, mon esprit, comme s’il avoit fait un effort, s’en tiroit assez bien. Lorsque je voya

io geai, j’arrivai à Vienne. Étant à Laxembourg, dans la salle où dînoit l’Empereur, le comte de Kinski me dit : « Vous, Monsieur, qui venez de France et avez vu Versailles, vous êtes bien étonné de voir l’Empereur si mal logé. — Monsieur, lui dis-je, je ne suis

i 5 pas fâché de voir un pays où les sujets sont mieux logés que le maître. » Effectivement, les palais de Vienne et de Laxembourg sont vilains, et ceux des principaux seigneurs sont beaux. Étant en Piémont, le roi Victor me dit: « Monsieur, êtes-vous parent

3o de M. l’abbé de Montesquieu que j’ai vu ici avec M. l’abbé d’Estrades, du temps de Madame, ma mère?—Sire, lui dis-je, votre Majesté est comme César, qui n’avoit jamais oublié aucun nom. » La reine d’Angleterre me dit à la promenade: « Je

a5 rends grâce à Dieu de ce que les rois d’Angleterre peuvent toujours faire du bien, et jamais de mal. — Madame, dis-je, il n’y a point d’homme qui ne dût donner un bras pour que tous les rois pensassent comme vous. » Quelque temps après, je dînai chez

3o le duc de Richemond. Le gentilhomme ordinaire Labaune, qui étoit un fat, quoique envoyé de France