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Et il ne faut pas croire que la noblesse de Suisse et de Hollande s’imagine être bien libre : car le mot de noblesse entraîne avec lui des distinctions, réelles dans la monarchie et chimériques dans l’état répu5 blicain.

Aussi la noblesse anglaise s’ensevelit-elle avec Charles I" sous les ruines du trône ; et, avant cela, lorsque Philippe II fit entendre aux oreilles des François le mot de liberté, la couronne fut toujours 10 soutenue par cette noblesse 1 qui tient à honneur d’obéir à un roi ; mais qui regarde comme la souveraine infamie de partager la puissance avec le Peuple.

Ainsi, quand, dans une guerre civile, on dit qu’on i5 combat pour la liberté, ce n’est pas cela : le Peuple combat pour la domination sur les Grands, et les Grands combattent pour la domination sur le Peuple.

Un peuple libre n’est pas celui qui a une telle ou 20 une telle forme de gouvernement ; c’est celui qui jouit de la forme de gouvernement établie par la Loi, et il ne faut pas douter que les Turcs ne se crussent esclaves s’ils étoient soumis par la République de Venise, et que les peuples des Indes ne 25 regardent comme une cruelle servitude d’être gouvernés par la Compagnie de Hollande.

De là, il faut conclure que la liberté politique concerne les monarchies modérées comme les républiques, et n’est pas plus éloignée du trône que d’un

i. Mis dans les Loix.