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autres : chose à laquelle on ne parviendra jamais par une humeur austère et farouche. Et telle est la disposition des choses et des esprits dans une nation polie qu’un homme, quelque vertueux qu’il fût, s’il 5 n’avoit dans l’esprit que de la rudesse, seroit presque incapable de tout bien et ne pourroit qu’en très peu d’occasions mettre sa vertu en pratique. » arrivé dans la Nation françoise. — A mesure que la puissance royale se fortifia, la Noblesse quitta ses terres. Ce fut la principale cause du changement de mœurs qui arriva dans la Nation. On laissa les mœurs simples du premier temps, pour les vanités des 5 villes ; les femmes quittèrent la laine et méprisèrent tous les amusements qui n’étoient pas des plaisirs.

620* (i271. II, f° 127 v°). — De la Politesse. — Cette disposition intérieure a produit chez tous les peuples

10 un cérémonial extérieur qu’on appelle la politesse et la civilité ; qui est une espèce de code de loix non écrites que les hommes ont promis d’observer entre eux ; et ils sont convenus qu’ils prendroient pour une marque d’estime l’usage qu’on en feroit à leur

13 égard, et qu’ils s’offenseroient si on ne les observoit pas.

Les peuples barbares ont peu de ces loix ; mais il y a eu de certaines nations chez lesquelles elles sont en si grand nombre qu’elles deviennent tyranniques 20 et vont à ôter toute la liberté : comme chez les Chinois.

Nous avons, en France, fort diminué notre cérémonial, et, aujourd’hui, toute la politesse consiste, d’une part, à exiger peu des gens, et, de l’autre, à 25 ne donner point au-delà de ce que l’on exige.

Le changement est venu de la part des femmes, qui se regardoient comme les dupes d’un cérémonial qui les faisoit respecter.

621* (1272. II, f 128). — Du Changement des Mœurs